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Un drone pour une meilleure gestion des digues littorales

Retour d'expérience


illustration Un drone pour une meilleure gestion des digues littorales

En Vendée, la communauté de communes Océan-Marais de Monts s’est récemment équipée d’un drone. Le nouvel équipement facilite les actions de prévention des submersions.

« On ramène la digue à la maison », résume Jean Magne. Un an et demi après la formation de pilote de drone (10 jours consécutifs, fin 2021) et son brevet de pilote en poche, le responsable « gestion et protection des zones littorales » de l’intercommunalité Océan-Marais de Monts nous a ouvert son carnet de vol : 20 premiers vols ont été effectués entre avril et octobre 2022, soit un total de 24 heures 50 minutes. « On est vraiment aux débuts », précise-t-il. Pourtant l’année inaugurale est déjà riche d’enseignements. L’appareil volant, un Phantom IV RTK à 6000 euros complété d’un logiciel Pix4D à 4000 euros, a révélé une utilité polymorphe pour la gestion du littoral et du trait de côte, pour l’exercice de la compétence prévention des inondations (la « PI » de la Gemapi) et pour aider, ponctuellement, des collègues d’autres services de l’intercommunalité.

 

Image : drone pesant 1,6 kg, capable de voler jusqu’à 36 km/h

 

Scruter les digues en terre
Sur les 19 kilomètres de littoral sous gestion intercommunale, sept sont pourvus de digues en terre (des remblais), sur la commune de La Barre-de-Mont, où est situé le système d’endiguement en partie poldérisé d’Océan-Marais de Monts. Ici, « le brise-lame casse la houle, la première digue en terre protège et en cas de surverse, la digue en retrait permet de stocker dans le casier hydraulique du polder agricole », résume Jean Magne. Ce système d’endiguement, long d’un peu plus de 6 kilomètres, a été autorisé par arrêté préfectoral en juin 2022.

Le drone offre un premier intérêt, qui est de mieux suivre un des désordres caractéristiques de ce type d’ouvrages : les tassements. « Visuellement, il est souvent difficile d’identifier un tassement et de suivre son évolution. Au début on le vérifiait avec les relevés GPS qui permettent des profils linéaires mais avec le drone, on obtient quelque chose de beaucoup plus précis », remarque l’ingénieur territorial.

 

Modélisation 3D
Car la caméra embarquée offre une modélisation numérique en 3D de la digue. Celle-ci est produite par photogrammétrie : c’est la succession des prises de vue, traitée par un logiciel sur ordinateur, qui crée le jumeau numérique de la digue. Un second passage permettra, en comparant, de voir précisément ce qui a bougé.

A partir de la multitude de photos prises par le drone, le logiciel repère les points communs entre chaque prise de vues (ces dernières se recouvrant à 80%) et reconstitue la forme, les dimensions, les coordonnées géographiques et le z de l'objet (la digue). La précision est la même qu'avec le GPS, en revanche le drone permet de couvrir une surface beaucoup plus importante, avec une plus haute fréquence et plus rapidement.

Outre la surveillance des tassements, la caméra permet de surveiller le positionnement des blocs des brise-lame au cm près, de calculer des volumes, de suivre l’évolution de désordres (terriers, affaissements). Elle facilite aussi la surveillance des ouvrages hydrauliques traversants qui évacuent l’eau du casier hydraulique après une tempête. « Descendre sur le talus de la digue pour vérifier les clapets des ouvrages hydrauliques et la présence d’embâcles, c’est parfois compliqué, voire dangereux, ou même impossible », explique Jean Magne. La caméra embarquée joue ici le rôle d’un œil augmenté, à moindre risque.

Vue du modèle 3D (nuage de points géoréférencés) d’un brise-lame

 

Visites d’inspection et VTA
Le drone permet donc plus de précision que l’inspection visuelle et plus d’efficacité que le GPS. A terme, la communauté de communes pourrait même l’utiliser pour les visites techniques approfondies (VTA). VTA ? Ce sont des visites réglementaires effectuées entre deux rapports de surveillance et obligatoires après un Evénement Important pour la Sécurité Hydraulique (tempête par exemple). Ces visites sont souvent externalisées à des bureaux d’études, mais « nous pourrions en faire une sur deux nous-même » avance Jean Magne. « Cela serait bien pour faire monter les agents en compétence en interne. Et cela coûterait moins cher ». L’idée est d’en effectuer une sur deux en interne, afin de conserver tout de même le regard extérieur des bureaux d’étude. Le drone serait mis à contribution. Car comme le remarque Jean Magne, des bureaux d’étude eux-mêmes utilisent déjà ces engins pour les VTA, en complément d’un arpentage traditionnel.

« Pour les visites classiques, je fais des passages en linéaire assez rapide. Lors des VTA certains points faibles pourront faire l'objet d'une attention particulière. De retour au bureau, sur l'ordinateur on manipule comme on veut la digue sous n'importe quel angle. La représentation sur ordinateur de la digue est en fait constituée d'une multitude de points géoréférencé. On connait donc l'altitude et la coordonnées de chaque point de la digue et on peut ainsi calculer des volumes, faire des profils où on le souhaite», précise l’ingénieur territorial.                   

                                 

Trouver le bon logiciel 
La photogrammétrie repose sur un traitement des images par un logiciel spécialisé. Le choix du logiciel est donc crucial. Après avoir testé le logiciel de photogrammétrie MicMac, développé par l'Institut géographique national (IGN), le responsable gestion du littoral a opté pour un autre logiciel, Pix4D. Ce logiciel est plus cher, 4000 euros de licence (à vie), mais il offre une interface beaucoup plus simple que l’interface en lignes de code de MicMac. Pix4D permet une visualisation en mode carte, l’affichage des photos et la création de films. Le traitement des images récoltées par le drone implique d’avoir un ordinateur à part, pour « mouliner » les données après la prise de vue, sans monopoliser l’ordinateur quotidien.

 

Modèle 3D du polder des Rouches

 

Suivi du trait de côte
L’autre grand domaine d’utilisation du drone, c’est bien sûr le suivi du trait de côte et de l’érosion (ou accrétion) du littoral. Le drone vient ici compléter les suivis topographiques réalisés à pied, par arpentage GPS.

Sur ses 19 kilomètres de dunes, l’intercommunalité met en œuvre un suivi du littoral depuis 2009, dans le cadre de son observatoire pionnier créé en partenariat avec l’Université de Nantes, le BRGM et l’ONF. « Le GPS, pour faire les profils de dune et le trait de côte, c’est très précis et cela fait largement le job », explique Jean Magne. L’intérêt du drone porte plutôt sur le suivi de secteurs spécifiques. Sur  une zone de plage qui fait l’objet de rechargements de sable réguliers, le modèle numérique permet de mieux suivre l’évolution des volumes de sable et du transport sédimentaire. Le drone est également mis à contribution pour suivre l’érosion et la dynamique sableuse à proximité immédiate d’une infrastructure touristique : l’hippodrome de l’Atlantique à Saint-Jean-de-Monts.

Autre utilité, le suivi de l’impact des tempêtes. «Suite à un avis de tempête, il nous est arrivé de sortir le drone pour faire le relevé d’un cordon juste avant l’événement, ce qui permettra de mieux suivre l’effet de la tempête, ainsi que l’évolution sur le long terme», ajoute Jean Magne. Ce suivi pourra être utile pour démontrer aux riverains qu’un recul de dune peut tout à fait être effacé « naturellement » par la suite, autrement dit sans intervention humaine.

 

Cadrer les usages hors Gemapi
Le drone suscite de l’intérêt. Durant cette première année, plusieurs autres services de l’intercommunalité ont sollicité Jean Magne pour l’utilisation de la caméra volante. Les utilisations hors contexte Gemapi ont été diverses : suivis de travaux de voirie ou d’assainissement, inspection d’un château d’eau, d’un belvédère en forêt. Les collègues de la communication ont aussi été intéressés. En fait, la multiplicité des usages possibles invite à bien cadrer ou cantonner les cas d’usage possibles, afin d’éviter une sur-sollicitation de l’unique pilote autorisé au sein de l’intercommunalité. « Je suis resté sur l’utilisation du drone en contexte technique », explique le géographe de formation.

 

Suivi participatif
Si le maniement d’un drone nécessite un permis, une canne d’arpentage GPS peut être utilisée beaucoup plus facilement. A Océan-Marais de Monts, le GPS à pied reste pertinent, on l’a vu, pour la topographie du littoral sableux. Ce suivi repose désormais sur le réseau collaboratif de bases GNSS Centipède RTK, avec depuis peu le soutien d’arpenteurs bénévoles. Ce réseau permet une précision centimétrique opensource ! « Centipède RTK est un super système, qui permet à n’importe quelle collectivité de s’équiper à moindre coût pour faire des relevés topographiques GPS», explique notre interlocuteur. Une antenne (recepteur GNSS) est tout de même nécessaire pour rectifier les géolocalisations issues des données satellitaires, souvent automatisées par logiciel. Mais le coût principal, que Centipède permet d’éviter, est ailleurs : c’est l’abonnement à un service RTK, Orphéon ou autre.

A Océan-Marais de Monts, depuis 2022, une quinzaine de bénévoles ont été formés au maniement d’une canne d’arpentage GPS, ce qui leur permet de contribuer au suivi des dunes et du trait de côte, en particulier après les tempêtes.

Le drone n’est donc pas l'outil miracle mais son avenir semble assuré, dans la boîte à outils en régie ou sous-traitée, des entités gémapiennes situées sur le littoral.

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