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SCSOH : l’Etat déconcentré face aux risques d’inondation
Article de journal
C’est un acronyme difficile à prononcer, qui désigne un service de l’Etat présent dans chaque région de France, essentiel à la prévention des risques d’inondation. SCSOH pour « services de contrôle de la sécurité des ouvrages hydrauliques ». Présentation.
En matière de risques inondation en régions, les politiques publiques de l’Etat sont pilotées par les Directions régionales de l’environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) et à l’échelle des départements, par les Directions départementales des territoires (DDT ou DDTM s’il y a un littoral). En simplifiant, les DREAL ont surtout des missions régaliennes d’application et de contrôle du cadre réglementaire, ainsi qu’un rôle d’accompagnement des collectivités locales, par exemple pour labelliser les programmes PAPI. C’est aussi aux DREAL que sont rattachés les services de prévision des crues qui alimentent le réseau Vigicrues. Quant aux DDT/M, elles interviennent en situation opérationnelle, lors des crises inondation ou submersion et pour instruire des dossiers réglementaires. DREAL et DDT/M, leurs rôles sont complémentaires, comme le savent bien les gestionnaires de systèmes d’endiguement, intercommunalités ou syndicats mixtes, qui interagissent en particulier avec les SCSOH (note 1).
Instruire et contrôler
Dans les 13 régions et DREAL de l’hexagone, il existe un service de contrôle de la sécurité des ouvrages hydrauliques (SCSOH). «Les services SCSOH s’occupent du contrôle de sécurité de trois grands types d’ouvrages, pour le compte des préfets : les systèmes d’endiguement, les aménagements hydrauliques (AH) et les barrages classés, concédés ou non », explique Karine Averseng, adjointe au chef du pôle Ouvrages Hydrauliques (OH, plus simple que SCSOH) de la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes (AURA). Comme les SCSOH des autres DREAL, son service remplit deux principales missions. «La première mission consiste à former des avis sur les demandes d’autorisation. Cela implique souvent des discussions et un pré-cadrage en amont avec les gestionnaires d’ouvrages. Ensuite, pour les ouvrages construits, nous assurons un suivi régulier de leur sécurité, au travers d’inspections de terrain et du contrôle des documents réglementaires ».
A titre d’exemple sur la région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA), le service SCSOH (pôle OH) est en charge d’un parc de 300 barrages et d’environ 70 systèmes d’endiguement et AH déjà autorisés (4 systèmes de classe A, 22 de classe B, 37 de classe C et 6 AH). Pour ce qui est des avis sur les demandes d’autorisation, le rôle des SCSOH se concentre sur deux composantes précises des dossiers, complémentarité avec les DDT/M oblige.
« Instruire les dossiers et former un avis, c’est clairement le gros de notre travail actuel ».
Instruire les dossiers d’autorisation
Ce sont en effet les DDT/M qui réceptionnent en premier les dossiers de demandes d’autorisation pour les systèmes d’endiguement et pour les aménagements hydrauliques (AH), après leur dépôt par les autorités gémapiennes (intercommunalité ou syndicat mixte) sur le guichet unique numérique GUNenv. Concrètement, les services de Police de l’Eau rattachés aux DDT/M instruisent la partie « maîtrise foncière » des dossiers et le respect de la Loi sur l’Eau. Quant aux services SCSOH, ils se chargent d’analyser deux pièces centrales des dossiers : l’étude de dangers (EDD) et le document d’organisation.
Au niveau de la région AURA, « Une centaine de dossiers de demande d’autorisation de systèmes d’endiguement sont actuellement en cours d’instruction. A terme, le pôle en aura donc 300 sous contrôle. L’instruction de ces dossiers, c’est clairement le gros de notre travail actuel», indique Karine Averseng. Un travail qui découle du cadre réglementaire sur les systèmes d’endiguements, modernisé en 2007 (décret Digues) puis en 2015.
Illustration d'un dossier d'autorisation en cours d'instruction (crédit : DREAL AURA)
Avis sur l’EDD
La composante la plus technique de cette instruction est l’Etude De Dangers (EDD) du système d’endiguement ou de l’AH. Souvent, l’inspecteur en charge de l’avis procède par étapes, il formule un premier avis dans lequel il intègre des demandes de compléments ou de précisions. Sur des questions techniques précises, l’inspecteur sollicite si besoin une expertise auprès des opérateurs de l’Etat, comme le Cerema. Ce premier avis des SCSOH est transmis par la police de l’eau (DDT/M) à l’autorité gémapienne, pour qu’elle complète le dossier, souvent avec l’aide du bureau d’étude agréé, maître d’œuvre de l’EDD.
Dans tous les cas, suite aux compléments adressés par le gestionnaire, un avis définitif du SCSOH pourra être formulé. Transmis à la DDT/M, il est destiné à être intégré dans l’arrêté préfectoral d’autorisation, qui officialisera la reconnaissance réglementaire de l’endiguement ou de l’AH.
« Lors de l’élaboration de l’EDD et donc avant le dépôt des dossiers, une ou deux réunions de précadrage sont à conseiller ».
Précadrage du dossier
L’instruction des EDD prend du temps, comment faire pour aller plus vite ? «Lors de l’élaboration de l’EDD et donc avant le dépôt des dossiers, une ou deux réunions de pré-cadrage sont à conseiller. Sur la région AURA on encourage les gestionnaires Gemapi à nous contacter », explique Karine Averseng. Pour solliciter une première réunion, le bon « timing » est généralement une fois que les études hydrauliques de l’EDD sont réalisées. Les participants les plus logiques sont le référent « PI » au sein de la structure gémapienne, un représentant du bureau d’études (BET) en charge de l’EDD, la DDT(M) via la police de l’eau et l’inspecteur du SCSOH en charge du dossier. La présence de la police de l’eau permet d’aborder des questions sur la maîtrise foncière. Pour la partie SCSOH, l’idée est d’échanger sur l’aléa de référence choisi, sur le périmètre du système d’endiguement, la définition de la zone protégée et les scénarios de défaillance qui seront étudiés dans l’EDD…
Ce précadrage permet d’éviter des déconvenues chez les gestionnaires GEMAPI, qui sinon pourraient se retrouver face à des demandes d’études (hydrauliques ou de défaillance) additionnelles, alors que l’EDD est finie et le dossier déjà déposé. Ce qui serait synonyme de coûts et de délais additionnels. Pour autant, toutes les DREAL et inspecteurs ne procèdent pas ainsi, certains gestionnaires signalent une absence de concertation avant dépôt d’un dossier. Autrement dit, les réunions de précadrage ne sont pas systématiques et sont parfois à la discrétion de l’inspecteur du SCSOH.
« Les gestionnaires d’ouvrage gagneraient à se positionner clairement, dans le courrier d’envoi qui accompagne l’EDD, sur l’ensemble des recommandations de l’EDD »
Anticiper les prescriptions de l’Etat
L’avis définitif, outre qu’il décrit en détails le système d’endiguement, intègre des « prescriptions » faites à l’autorité gémapienne. Certaines prescriptions rappellent la réglementation, tandis que d’autres sont spécifiques au système d’endiguement ou à l’AH. Celles-là sont souvent inspirées des recommandations figurant dans l’EDD (donc du BET). Mais elles peuvent aussi être sources de délais et échanges additionnels avec le gestionnaire, s’il ne les a pas anticipées. Karine Averseng nous explique pourquoi et comment mieux procéder.
Avant la publication de l’arrêté préfectoral, un contradictoire est envoyé au gestionnaire gémapien : il reçoit le projet d’arrêté, sur lequel il peut formuler des remarques. « Logiquement, il retrouvera des recommandations présentes dans l’étude de dangers. Cela peut être l’ajout d’échelles limnimétriques ou la mise en place de dispositifs de télésurveillance pour mesurer le niveau du cours d’eau», explique Karine Averseng. Les recommandations de l’EDD qui sont reprises par les DREAL sont souvent celles sur lesquelles le gestionnaire ne s’est pas explicitement positionné (pour ou contre).
« S’il ne dit rien, on considère qu’il est d’accord avec le BET puisqu’il a validé l’EDD». Pourtant d’après la DREAL, beaucoup de Gémapiens semblent découvrir ces recommandations au moment de l’envoi du contradictoire…
Pour éviter ces désagréments de fin de course, la fonctionnaire d’Etat conseille aux gestionnaires une pratique qui reste rare : « se positionner clairement, dans le courrier d’envoi qui accompagne l’EDD, sur l’ensemble des recommandations de l’EDD, en précisant celles qu’ils veulent retenir et celles qu’ils comptent ne pas suivre, en justifiant pourquoi».
Contrôle de terrain et documentaire
Si l’instruction des dossiers d’autorisation demande beaucoup de temps aux services SCSOH, leur mission ne s’arrête pas là : ils sont aussi chargés de contrôler la sécurité des ouvrages existants, par des inspections de terrain et des contrôles documentaires.
Les inspections dites « courantes » (hors travaux) se font à des fréquences distinctes selon la classe de l’ouvrage. « L’inspecteur du SCSOH va regarder si les recommandations faites lors des visites techniques approfondies [VTA, réalisées sous maîtrise d’ouvrage des gestionnaires] sont appliquées. Il regarde aussi si l’entretien prévu dans le document d’organisation est bien appliqué, en consultant le registre de l’ouvrage », explique Karine Averseng. Ce registre obligatoire, tenu par le gestionnaire, compile toutes les actions faites sur l’ouvrage.
A noter que les VTA et les registres sont disponibles sur le logiciel de gestion SIRS Digues, dans les cas où le gestionnaire utilise cet outil informatique. Les données appartiennent au maître d’ouvrage, mais le SCSOH peut demander à consulter des extractions du SIRS afin de faciliter et fluidifier le déroulé de l'inspection (la plupart du temps, le gestionnaire les fournies avant même la demande du SCSOH).
Les contrôles lors des inspections de terrain sont réalisés par les SCSOH se font « par sondage », en ciblant les zones de visite : zones sensibles liées à la présence d’un ouvrage (une vanne par exemple) ou d’un désordre récent. En région AURA, elles se déroulent en deux parties, une partie en salle et une visite de terrain, le tout sur une demi-journée le plus souvent. « Si les élus peuvent venir à ces inspections, ou au débriefing de clôture, c’est très bien », conseille Karine Averseng.
Inspection d'un endiguement en bord de Loire (crédit : DREAL Centre-Val de Loire)
Les inspections donnent lieu à un rapport d’inspection adressé au gestionnaire, avec copie à la préfecture. L’inspecteur y consigne ses observations et émet des demandes si c’est nécessaire, concernant les documents réglementaires et les suites données au VTA, ou des investigations , études et travaux pour garantir le maintien de la sécurité de l’ouvrage.
Dans le cas de travaux sur un ouvrage existant, la doctrine de l’Etat ne prévoit pas de surveillance systématique de terrain de la part des SCSOH, dans la mesure où la responsabilité en termes de maintien de sécurité repose sur le gestionnaire et son maître d’œuvre agréé. Mais pour des travaux d’ampleur, ou pour une nouvelle construction, certains SCSOH missionneront un inspecteur. En amont, les dossiers de demandes de travaux auront été instruits, pour la partie sécurité, par les SCSOH.
« Nous n’intervenons pas pendant les crises, nous sommes en « back office » du RDI »
En situation de crise
Pour compléter ce panorama, qu’en est-il en situation de crise inondation ou submersion ? Les SCSOH n’ont pas été conçus pour être des services opérationnels, ils ne sont d’ailleurs pas soumis à des astreintes, contrairement aux missions Référent Départemental Inondation (RDI) des DDT/M. Mais les inspecteurs des SCSOH ont tout de même un rôle à jouer en préparation de crue / crise, via notamment l’analyse du document d’organisation et des dispositions retenues par le Gémapien pour assurer la surveillance et alerter les autorités.
Par ailleurs, grâce au logiciel des services de l’État SIOUH II, ils mettent à disposition des RDI les documents-clé de chaque système ou ouvrage autorisé : résumé non technique de l’EDD, document d’organisation, cartes des zones protégées.
Ensuite, en situation de crise, quand le préfet de département active le centre opérationnel départemental (C.O.D.), l’implication des SCSOH dépendra de l’organisation de chaque DREAL. Dans certaines régions les inspecteurs SCSOH assurent aussi la mission de prévision des crues et seront donc mobilisés pour informer le C.O.D. Sur la région AURA, « nous sommes en « back office » du RDI », indique Karine Averseng. « Mais en novembre 2023, lors de la crue de l’Isère, j’ai été mobilisée car le RDI avait besoin d’informations sur un système d’endiguement en amont de Grenoble, dont le dossier d’autorisation est en cours d’instruction. C’est plutôt rare». Le gros de la gestion de crise se déroule au niveau départemental, grâce aux DDT/M et à leurs Référent Départemental Inondation.
Article lié : Les RDI, interface entre prévision et gestion de crise
Note 1 : les DREAL et les DDT/M sont rattachées aux ministères de la Transition Ecologique et de la cohésion des Territoires.
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