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Roussillon : Reconstruction des digues du Réart
Article de journal
Au sud de Perpignan, sur un bassin versant constitué de cours d’eau intermittents, un important chantier de reconstruction de digues se prépare. 8,3 millions d’euros pour protéger contre une crue proche d'une Q30, au lieu de 10 ans actuellement.
Photo : crue du Réart à Saleilles en 2014 (crédit : SMBVR)
Dans la plaine du Roussillon au sud de Perpignan, le Bassin Versant du Réart, de ses affluents et de l’étang de Canet St-Nazaire s’étend sur 270 km2 de superficie. Les cours d’eau y sont généralement à sec, à l’instar du Réart « qui fonctionne comme un oued : à sec la plupart du temps, il se transforme en torrent violent lors de fortes pluies », indique le site web du syndicat mixte des bassins versants du Réart, le SMBVR, en charge de la compétence GEMAPI. En situation d’orage ou de pluie intense, « le principal risque d’accident est situé au niveau des passages à gué qui relient les villages », explique Isabelle Perrée, chargée de mission au syndicat Mixte. En 1992, année de la crue de référence du Réart, aucun drame humain n’a été déploré, mais 600 foyers avaient été inondés dans la commune de Saleilles (5600 habitants) et de nombreuses parcelles agricoles avaient été touchées. Le débit du Réart à Saleilles avait dépassé 900 m3/seconde. Par la suite, des travaux de recalibrage et d’endiguement ont été conduits, mais pas sur le dernier secteur aval du Réart (entre la RD22 et la RD914). C’est là, au niveau des communes de Saleilles et Théza, que se prépare le nouveau programme de travaux, présenté aux riverains en septembre dernier. L’instruction par les services de l’Etat du dossier de demande d’autorisation arrive à son terme et l’enquête publique réglementaire devrait pouvoir débuter dans les prochains mois. Les travaux sont prévus pour 2026.
Le Réart à Saleilles, octobre 2017 (crédit SMBVR)
Un système en mauvais état
Pour le syndicat mixte, il s’agira du principal programme de travaux de prévention des inondations (PI) sur son bassin versant. Il concerne son seul système d’endiguement régularisé, en classe C, en 2021. « Nous prévoyons de régulariser un second système d’endiguement plus au nord, sur les Llobères, pour un linéaire plus petit et sur l’Agouille de la Mar nous avons deux aménagements hydrauliques en cours de régularisation également», précise Isabelle Perrée.
Les digues concernées par les travaux sont des remblais hétérogènes, localement en très mauvais état. Les berges ont été protégées au fil des ans avec des remblais en terre et en sable, ainsi que des murets et des enrochements, mais leur état est très dégradé. Il y a en particulier beaucoup de terriers d’animaux et une végétation peu entretenue, qui créent des risques de rupture par érosion interne. Le niveau de protection théorique correspond à un débit de 210 m3/S au droit du pont de la RD914, débit associé à une période de retour d’environ 5 ans. « Au-delà, le risque de rupture de digue est elevé», indique la chargée de mission. Autrement dit, pour une crue de période de retour de 10 ans ou plus, ce serait la rupture assurée.
Digue du Réart en mauvais état (crédit : SMBVR)
Reprise à neuf et confortement
Sur le premier secteur de travaux, long de 2,3 km et situé à proximité de la commune de Saleilles, tout l’ouvrage de protection va être reconstruit, avec une alternance de digues insubmersibles et de digues résistantes à la surverse. Le nouveau niveau de protection décidé par les élus sera pour une crue de période de retour légèrement inférieure à une Q30. Au-delà de cette crue (débit estimé à 340 m3/seconde), les débordements se feront au droit des tronçons renforcés d’enrochements (digues résistantes à la surverse).
La surverse inonderait principalement des parcelles agricoles, pour cette occurence de crue retenue. Dans un tel scénario, cela sera beaucoup moins violent qu’en cas de rupture de digue, avec moins de dégâts pour les cultures, souligne la chargée de mission.
Les travaux sur la tranche 2, longue de 1100 mètres plus en aval, combineront des reprises de digue et des confortements.
En termes de matériaux mobilisés, il devrait y avoir un quasi équilibre entre les remblais et les déblais, précise le syndicat mixte : les matériaux de déconstruction seront utilisés pour les nouveaux remblais et l’excédent de déblais servira à élargir la digue par endroits, ou bien sera stocké temporairement, pour être réutilisé sur les autres chantiers.
Au final, le projet renforcera aussi le niveau de sureté, c’est-à-dire celui où une rupture des ouvrages risque d’intervenir, de 10 ans actuellement à 1000 ans.
Digue du Réart, avant travaux (crédit : SMBVR)
Nombreux allers retours
La chronologie du projet témoigne d’une certaine complexité et d’une longueur dans la mise en œuvre, qui n’a rien d’atypique. Le projet a traversé plusieurs « cribles » successifs, ceux de la profession agricole, des services de l’Etat et des évolutions réglementaires. Profession agricole : Un premier projet présenté en 2017 prévoyait un déversoir plus en aval, mais il a été écarté après l’opposition des principales parties prenantes agricoles. Services de l’Etat : le projet, après avoir été révisé en 2019, a fait l’objet de trois demandes d’autorisation réglementaires. Le premier dépôt de dossier d’autorisation date de 2020. Les services de l’Etat ont alors demandé de le mettre en attente, afin de régulariser auparavant le système d’endiguement. Un dépôt de dossier après régularisation est ensuite intervenu en août 2022… Et suite aux demandes de précisions et d’ajustement formulées par les services de l’Etat, un nouveau dossier unique a été déposé, en décembre 2023. « En dernière étape, la préfecture a saisi la mission régionale d’autorité environnementale (MRAE), après l’avis favorable du Conseil national de protection de la nature (CNPN), ce qui va permettre de lancer l’enquête publique préalable aux travaux », indique la chargée de mission au SMBVR.
Compensation biodiversité
Un autre facteur explicatif des délais tient aux mesures compensatoires aux atteintes à la biodiversité. Sur les tronçons de digues concernés, une biodiversité intéressante s’est fixée au fil des ans (reptiles, chauve-souris, oiseaux…), probablement du fait du relatif manque d’entretien. Cette situation a nécessité des mesures de compensation écologique et pour ce faire, quelques achats de parcelles d’intérêt écologique, le long du Réart. Les parcelles identifiées, surtout de la ripisylve, sont d’une surface réduite et ne sont pas exploitées en agriculture, ce qui devrait faciliter leur acquisition foncière par le SMBVR.
Exemple de crue sur le bassin versant : Bages en 2011, où passe l'Agoulle de la Mer (Agulla de la mar)
L’économie générale du projet repose en partie sur la solidarité nationale, puisque 25% du budget sera financé par l’Etat, via le fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs (FPRNM). Outre un financement de la région Occitanie (20%), un autre complément de l’Etat, via le fonds Vert ainsi qu'un soutien de l’Europe, via le fonds Feder, sont envisagés.
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