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Risques côtiers : en Aquitaine, des stratégies locales pionnières
Article de journal

Très vulnérable à l’érosion, le littoral aquitain a initié depuis plus de 10 ans des stratégies locales de gestion des bandes côtières qui articulent la gestion des risques avec l’aménagement du littoral. Explications et zoom sur les liens avec la gestion des endiguements.
A chaque littoral, ses risques côtiers. « Sur le littoral de la Gironde, des Landes et des Pyrénées-Atlantiques, nous avons surtout des risques d’érosion, plus que des risques de submersion », explique Gaël Perrochon, chargé de mission risques littoraux au Groupement d’Intérêt Public (GIP) Littoral, qui regroupe les intercommunalités (EPCI) de Nouvelle-Aquitaine ainsi que la région, ses quatre départements et l’Etat. Cette réalité résulte de la géomorphologie de la côte aquitaine et de sa dynamique d’urbanisation. Sur le littoral basque en particulier, « nous avons beaucoup de falaises et très peu de zones basses urbanisées exposées aux submersions en dehors des secteurs estuariens», explique Caroline Sarrade, directrice de l’unité Littoral et Milieux Naturels à la communauté d’agglomération du Pays Basque (CAPB). Plus au Nord, dans les Landes et au Médoc le littoral est constitué pour parties de cordons dunaires en zones basses, mais les enjeux humains exposés aux tempêtes y restent rares (note 1). Rien à voir avec les façades de la Charente-Maritime ou de la Bretagne, très exposées aux submersions. Ce contexte au sud de l’estuaire de la Gironde a favorisé l’émergence, pionnière en France, de plans de gestion des risques littoraux centrés sur l’érosion. Ces plans d’action, appelés stratégies locales de gestion des bandes côtières, témoignent d’une approche de gestion inspirée en partie d’outils de planification du risque Inondation (les PAPI), tout en mobilisant d’autres outils tels que le « Projet Partenarial d’Aménagement » issu de la loi ELAN de 2018.
Le GIP comme « boite à outils »
Créé à Bordeaux en 2009, le GIP Littoral est l’artisan de la première stratégie régionale de gestion du trait de côte en France (2012). « Le GIP a un rôle d’accompagnement des territoires dans la gestion de l’érosion et de production de connaissance à l’échelle de la région Nouvelle-Aquitaine. Ce rôle dépasse les seuls risques littoraux, nous les accompagnons aussi dans des démarches d’aménagement du territoire, avec une entrée tourisme importante. On parle souvent d’aménagement durable des plages et des stations», explique Gaël Perrochon. En Nouvelle-Aquitaine la gestion du trait de côte a été rebaptisée « gestion de la bande côtière », ou même « gestion des risques littoraux » pour le pays basque (SLGRL).
Stratégies locales de gestion des bandes côtières
Progressivement à partir de 2016, huit territoires de l’ex région Aquitaine ont ainsi élaboré une stratégie locale de gestion des bandes côtières (SLGBC). Ces outils de planification ont été construits sur une base volontaire, en l’absence de Plan de Prévention des Risques Littoraux (PPRL). «L’Etat avait eu des vélleités pour un PPRL sur la côté basque, mais il n’y a pas eu de consensus ni de moyens, les élus étaient frileux et ensuite les stratégies locales ont pris le relais », raconte Caroline Sarrade.
Pour autant, « « Les stratégies locales en ex Aquitaine sont bâties comme un PAPI », remarque Caroline Sarrade. Elles sont structurées en 7 axes principaux : depuis l’amélioration de la connaissance et de la conscience du risque (Axe 1) jusqu’à un axe centré sur la gestion des ouvrages de protection et de planification des travaux (Axe 7). Celui-là n’est pas toujours activé, à l’instar de la SLBGC de Biscarosse qui ne mobilise pas de mesures de gestion « en dur », mais seulement des mesures de "lutte active souple" et d'accompagnement des processus naturels, comme des reprofilages de dunes intégrés dans l’axe 6 du plan d’action. Ailleurs, des ouvrages en dur (enrochements, perrés, épis…) font l’objet d’entretiens et de gestions adaptées aux contextes, y compris de retraits ou réductions.
Travaux de stabilisation sur une falaise basque soumise à une érosion
d'origine en partie continentale (crédit photo : CAPB)
En termes d’ouvrages, « Il faut jongler avec l’héritage du passé », remarque Gaël Perrochon. La grande majorité des ouvrages présents sur le littoral de l’ex Aquitaine ont un rôle anti-érosif. Sur la côte du Pays Basque, parmi quelques 240 ouvrages recensés, seuls dix sont classés pour leur rôle anti-submersion. Ce sont ceux de la baie de Saint-Jean-de-Luz Ciboure (digues d’enclôture, seuil de garantie et ouvrages annexes) et de la plage voisine d’Erromardie. Début 2025, ces ouvrages étaient en cours de régularisation administrative et gérés par l’intercommunalité, grâce aux recettes de la taxe Gemapi.
Combinaison érosion submersion
Certaines situations très locales témoignent d’une combinaison des deux risques submersion et érosion, qui a suscité des politiques originales de gestion intégrée des deux risques. C’est le cas sur le site d’Erromardie. Il s’agit d’une plage « poche » d’intérêt touristique, soumise à la fois à l’érosion et à la submersion par franchissements de paquets de mer. Ici les principaux enjeux sont des restaurants et des campings situés en zone submersibles et protégés par un perré classé digues en haut de plage. Dans la foulée de la première « SLGRL » 2017 2021 (le terme « risques littoraux » a été préféré à « bande côtière), l’intercommunalité a répondu à l’appel à projet « Projets Partenariaux d’Aménagement » lancé par l’Etat, en construisant une stratégie qualifiée de « multisectorielle (environnement, économie, tourisme, mobilité, logements, assainissement) » (source : SLGRL 2023 2028). Cette stratégie s’accommode à court terme du maintien et de l’entretien du perré anti-submersion, tout en envisageant son arasement à plus long terme, si le projet de recomposition spatiale et de relocalisation inscrit dans la première SLGRL voit le jour.
Plage d'Erromardie (crédit photo : OCNA)
Erosion en Charente Maritime
L’interaction entre les deux risques d’érosion et de submersion, « généralement c’est de l’érosion qui va entraîner des submersions. C’est la question des risques de brèche dans les cordons dunaires », remarque Gaël Perrochon. Ce type de phénomène est très marginal en ex Aquitaine, où il est présent localement sur le bassin d’Arcachon. Il est par contre plus probable en Charente-Maritime et accentué par le changement climatique, ce qui suscite des modalités nouvelles de SLGBC. Parmi les quatre SLGBC validées sur ce département depuis 2021, la plus avancée couvre l’île d’Oléron. Une de ses particularités est d’avoir découpé le littoral en 5 catégories de secteurs qui croisent les risques côtiers et les enjeux. L’une de ces catégories désigne les secteurs « soumis au risque érosion pouvant entrainer une submersion marine future liée à l’érosion ».
Changement climatique
« Ce sont des zones où le risque n’est pas immédiat, mais il se posera de plus en plus avec la hausse du niveau marin », explique Gaël Perrochon. Il s’agit de secteurs qui n’ont pas de système d’endiguement, mais sont souvent voisins d’ouvrages anti-submersion classés, ou d’ouvrages historiques créés pour fixer le trait de côte (enrochements). Ils témoignent des interactions très locales entre un ouvrage en dur et les dynamiques hydro-sédimentaires, qui peuvent entraîner des risques submersifs nouveaux, à l’instar de ce qui est observé en Bretagne, par exemple à Tréffiagat.
Ces situations engendrent des questions nouvelles quand il s’agit d’effectuer les analyses coût bénéfice (ACB), qui fondent en partie les choix de gestion des élus locaux. L’une des interrogations émergentes est l’attribution et l’imputation des dommages possibles à chacun des deux aléas. « L’ACB est très claire dans les deux cadres pris séparémment, elle est moins claire si on la fait dans un cadre combiné. Il y a encore des questions méthodologiques à résoudre », estime Gaël Perrochon.
Ces questions pourraient se concrétiser quand les cartographies de l’évolution du trait de côte à 100 ans auront été actualisées pour prendre en compte les derniers scénarios du GIEC, comme le propose la Loi Climat et Résilience. Plusieurs SLGBC intègrent ces actualisations dans leur plan d’action. Cette prospective affinée pourrait entraîner des cas de figure où l’évolution du trait de côte à long terme incite à créer de nouveaux systèmes d’endiguement, pour protéger des enjeux qui ne sont pas encore exposés. Face à ces articulations nouvelles, le GIP Littoral propose aux communes de bâtir des trajectoires d’adaptation sur plusieurs échéances temporelles. La stratégie de la communauté d’agglomération du Pays Basque témoigne de cette approche, avec une échelle court terme (2023 2028), une échelle moyen terme (2050) et une échelle à 2120. C’est aussi le cas de la SLGBC de Lacanau, qui envisage une digue de protection combinée à un réaménagement global de la station balnéaire et des recompositions spatiales, dans la foulée de relocalisations d’équipements. D’ici 2100, plusieurs étapes de concertation et des actualisations des projections auront été nécessaires.
Pour aller plus loin :
Un premier article chapô : Erosion et submersion, vers une "Gemapi" plus intégrée
Un second concernant le Finistère : En Sud Finistère, érosion et submersion interagissent
Notes :
(1) L’estuaire de la Gironde, exposé aux inondations et aux submersions, est un cas à part.
Crédit photos : Communauté d'agglomération du Pays Basque. Photo de tête : baie de Saint-Jean-de-Luz Ciboure.
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