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Référent Départemental Inondation (RDI) : l’Etat déconcentré au front des inondations

Article de journal


illustration Référent Départemental Inondation (RDI) : l’Etat déconcentré au front des inondations

Instaurées en 2011 dans les directions départementales de l’Etat, les missions RDI apportent un appui technique et relationnel aux préfets en situation de crise inondation ou submersion marine. Le dispositif, assez unique en Europe, facilite la gestion de crise.

Le terme de « Référent Départemental Inondation » (RDI) renvoie à la fois à la mission et à l’équipe qui l’exerce au sein des Directions Départementales des Territoires (DDT ou DDTM).  « Le cœur de la mission RDI, c’est d’être une interface en période de crise, une courroie de transmission entre les prévisionnistes météo et crue et la sphère de gestion de crise en préfecture » explique Olivier Piotte, référent régional inondations à la DREAL Nouvelle Aquitaine, en charge de l'accompagnement des RDI sur cette région (1). Les RDI mettent aussi à disposition du préfet et de son Centre Opérationnel Départemental (C.O.D.) les informations clé sur les ouvrages de protection sensibles (digues, bassins de stockage temporaire), les risques de rupture ou surverse et les enjeux menacés… « Idéalement ils doivent avoir une connaissance fine des gestionnaires d’ouvrages. Une de leurs missions concrètes, c’est par exemple de fournir un moyen de joindre la personne en charge des ouvrages sensibles (qui reste le responsable juridique ainsi que le meilleur référent technique de l’ouvrage en question), au C.O.D. », ajoute Thomas Belin, référent régional inondation et responsable de l’Unité Prévision des Crues à la DREAL de Bretagne.

Connaissances du terrain

Ils doivent donc à la fois « connaître les niveaux "pivot" de l'ouvrage (protection, danger, sûreté) et connaître la zone protégée, les conséquences potentielles d'une entrée d'eau pour indiquer efficacement au préfet les zones où l'intérêt et les moyens doivent être portés en priorité, selon l'évolution potentielle de la situation ». Dans la mesure où la situation est toujours évolutive, il s’agit bien d’être « le plus proactif possible y compris pour contacter les Gémapiens » (gestionnaires d’ouvrages) et garantir la bonne remontée d'information en temps réel.

Sur ce volet, les missions RDI qui fonctionnent le mieux sont donc celles qui ont tissé dans la durée des relations de confiance avec les gestionnaires, qu’il s’agisse des intercommunalités ou des syndicats mixtes et qui seront capables le jour J, de joindre la bonne personne au bon moment, d’avertir à l’avance dans la mesure du possible, sur les risques de brèche ou de surverse…

Les RDI, interface entre prévision et gestion de crise

Cette mission RDI, dont les contours ont été définis une première fois en 2011 dans une note interministérielle (2), est exercée dans tous les départements par les DDT ou DDTM et par la DRIEAT pour l’Ile-de-France. Limitée au départ aux principaux cours d’eau et à l’hexagone, elle a été étendue à l’Outre Mer en 2018, ainsi qu’au littoral et aux cours d’eau non suivis par le réseau national Vigicrues. Autre innovation en 2018, un dispositif d’animation national et régional a été ajouté, donnant naissance aux référents régionaux inondations (RRI), dans chaque DREAL. « La mission RDI a plusieurs fois été saluée comme une solution pertinente en temps de crise inondation, lors de retours d’expérience à l’étranger », remarque Olivier Piotte. Une innovation dont l’utilité est rendue de plus en plus pressante par le changement climatique d’origine humaine.

Organisation collective

L’organisation précise de la mission RDI varie sensiblement d'une DDT(M) à l'autre. « Les départements qui ont subi des événements météorologiques sévères de façon précoce sont souvent ceux qui ont mis le plus de moyens humains sur les missions RDI », observe Thomas Belin. Les niveaux de maturité des missions RDI varient d’un département à l’autre. Mais derrière les différences locales, un élément central demeure : la mission RDI est presque toujours structurée autour d’un « chef de projet pilote» qui travaille en équipe. Ce référent, rattaché en général à l’unité Risques Naturels de la direction départementale, juxtapose le plus souvent son rôle RDI avec une autre responsabilité en lien avec les inondations. Sur le département du Rhône par exemple, l'unité Prévention des Risques Naturels comporte deux agents référent RDI, sous le pilotage de la cheffe d'unité et son adjoint. Dans le Morbihan la personne référente est la chargée d’études risques naturels, qui s’occupe de l’élaboration des documents PPRI ou PPRL.

« Nous nous sommes rendus compte depuis 2011 qu’il est très important, pour la robustesse de la mission, qu’elle soit collective. S’il y a un pilote référent, il doit absolument s’appuyer sur une équipe », ajoute Olivier Piotte.  Cette nécessité du collectif se manifeste particulièrement en situation de crise où les compétences demandées sont multiples, et la gestion de la fatigue parfois sur plusieurs jours impose des renouvellements d’équipe.

 

C.O.D. de Gironde lors de l'exercice submersion SAFFIR
(crédit : DREAL Nouvelle Aquitaine)

 

En gestion de crise

Dès lors que le plan Orsec et/ou le centre opérationnel départemental (COD) sont activés par le préfet, la mission RDI joue le rôle  d’« annexe technique inondation » en temps réel auprès du préfet, pour reprendre les mots d’Olivier Piotte. Au sein du COD, il y a toujours un représentant de la DDT/M, qui sera la personne d’astreinte hors heures ouvrables. Cette personne ne fait pas nécessairement partie de l’équipe RDI, mais elle s’appuie, dans tous les cas, sur ses collègues RDI, qui interviennent en « back office » depuis la DDT/M ou ont fait le nécessaire en amont pour outiller et former la personne d’astreinte. Ces derniers actualisent la traduction des prévisions météo et hydro, identifient les risques, décryptent la situation et joignent si besoin les gestionnaires d’ouvrages. Parallèlement, le COD dispose d'informations territorialisées (cartes en particulier) via l'application de gestion de crise "Synapse". Développée par le Ministère de l'Intérieur, elle inclue un module RDI.

 

Avant la crise

Si la période de crise est donc centrale dans la mission des RDI, elle n’est pas l’alpha et l’oméga. La mission RDI s’articule autour de trois temps, d’après les cadrages ministériels de 2011 et 2018 : l’amont / préparation, la crise et la post-crise. L’amont désigne les quelques jours précédant la crise, quand l’aléa détecté par les prévisionnistes n’a pas encore atteint les seuils qui déclenchent le Plan Orsec et activent le COD. Dans le département du Rhône par exemple, dès qu’il y a une vigilance crue de niveau jaune, « nous traduisons les bulletins du SPC par des points crue destinés, entre autres, au service Interministériel de Défense et de Protection Civiles de la Préfecture (SIDPC)», explique Cécile Jouin, responsable de l'unité prévention des risques naturels (PRN) et référente RDI à la DDT du Rhône. L’amont désigne aussi la phase de préparation hors crise, qui se joue notamment en coopération avec les Services de contrôle et de sécurité des ouvrages hydrauliques (SCSOH des DREAL), pour obtenir et décrypter les documents-clé, cartographie ou document d’organisation lié aux systèmes d’endiguement. Ce temps amont se joue sur un temps long. Il s’agit d’organiser, à l'avance et efficacement, la connaissance et le référentiel documentaire pour un accès rapide et synthétique en gestion de crise.

 

Copie d'écran de l'application de gestion de crise Synapse, module RDI
(crédit : Ministère de l'Intérieur)

 

Post-crise : capitaliser les informations clé

Une fois la crise passée, « les RDI contribuent aux retours d’expérience (REX) internes à leur DDT mais aussi en capitalisant les informations sur le terrain », explique Olivier Piotte. Post-crise, il est essentiel de recenser les dommages, pour mieux connaître les enjeux vulnérables ou calibrer les éventuelles dotations de solidarité de la part des acteurs publics. Des relevés de terrain précis sur le phénomène (niveaux d’eau observés, traces et laisses de crue…) sont fondamentaux, afin de mieux connaître l’évènement et anticiper les événements futurs. Certaines missions RDI et certains SCSOH envoient alors des agents sur le terrain, pour aider les gestionnaires locaux. « En Nouvelle Aquitaine, nous avons établi un protocole cadre, ayant pour objectif de nous organiser avec les gestionnaires, pour structurer les REX, mutualiser et répartir les moyens et ainsi collecter plus efficacement  les informations », signale Olivier Piotte.

 


Relevé de laisse de crue (crédit : DREAL Val de Loire)

 

 

Prochains défis

La mission RDI semble désormais bien établie dans ses grandes lignes. Dans leur quatrième enquête nationale sur les RDI, conduite en avril 2023, les référents régionaux observent et saluent « un réel progrès dans la structuration et l’organisation en équipe ». Leur enquête mentionne plusieurs défis à relever. L’un concerne l’outre mer, où les RDI sont déployés au niveau des DEAL (il n’y a pas de DDT) avec l’animation d’un RRI unique. Leur mission dépend en partie du déploiement des systèmes de prévision des crues. Or ces systèmes, assurés par les cellules de veille hydrologique, sont en place dans les DEAL de Guyane et de la Réunion mais seulement en cours de préfiguration en Guadeloupe, Martinique et à Mayotte.

Dans l’hexagone, un des axes d’amélioration concerne la gestion de crise sur le réseau dit « non surveillé », c’est-à-dire sur les cours d’eau qui ne sont pas suivis par le réseau Vigicrues. Le réseau surveillé couvre actuellement les principaux cours d’eau, soit 75 % de la population vivant en zone inondable. En Bretagne par exemple, 1000 km sont ainsi surveillés par Vigicrues, tandis que 29000 km sont non surveillés (par Vigicrues).  Cette situation va changer, puisque d’ici 2030, le ministère de la transition écologique prévoit d’atteindre ce qu’il appelle une « couverture totale » des cours d’eau à risque en mettant en place une vigilance crues complémentaire dite « essentielle » par sous-bassins.

La couverture augmentée s’appuiera, suivant les cas, sur des réseaux de mesure locaux et pour les cours d’eau non équipés, le niveau de vigilance sera évalué à partir des connaissances disponibles sur chaque zone de comportement homogène. Mais avant cela, comment faire ? Un certain nombre de « petits » cours d’eau hors réseau Vigicrues sont déjà instrumentés, y compris à l’initiative des collectivités locales, dont certaines ont mis en place des systèmes d’alerte locaux. D’autre part, le service automatique Vigicrues Flash , accessible à tous, permet de visualiser des avertissements sur le risque de crues soudaines sur des cours d’eau secondaires. Ce sont autant de données et d’appuis précieux pour les RDI.

 

Pour approfondir :

Puechberty, R., Piotte, O., Maire, D., Miniscloux, F., & Morin, M. (2024). Structuration de la mission RDI: avancées depuis 2020. LHB, 2333969.

Emmanuelle Paumard, RDI à la DDTM du Morbihan. L’articulation avec les services de l’Etat en cas de tempête. Présentation à la journée technique France Digues du 19 novembre 2024.

 

Note 1 : Les Référents Régionaux Inondation (RRI) sont chargés de former, outiller et accompagner les RDI de leur région. Il y a un/e RRI dans chaque DREAL.

Note 2 : circulaire interministérielle du 28 avril 2011 pour l’appui technique à la préparation et à la gestion de crise inondation.

 

 

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