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Isère : la Gemapi fédératrice du SYMBHI

Retour d'expérience


illustration Isère : la Gemapi fédératrice du SYMBHI

Elargir son rayon d’action sans nuire à la gestion de proximité : c’est l’ambition du SYMBHI sur les rivières Isère, Drac, Romanche et leurs affluents. Son organisation gémapienne est l’héritière d’une histoire spécifique. Elle aborde en 2023 une nouvelle étape.

44 agents, 33 élus et un budget annuel d’environ 28 millions d’euros en 2022 : le moins qu’on puisse dire est que depuis 2015 quand il fonctionnait avec sept agents, le SYMBHI, Syndicat mixte des bassins hydrauliques de l'Isère est monté en puissance. La mutation s’est faite graduellement et sans douleurs, estime le président du SYMBHI Fabien Mulyk, qui signale un accompagnement fort du département. « Après la structuration de la compétence GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) par la loi (1), le département de l’Isère a pris les devants. Il a proposé, avec le Plan Isère, d’organiser la Gemapi sur le département autour de quatre grands syndicats ». Cette impulsion simplificatrice a porté ses fruits puisqu’aujourd’hui, les quatre syndicats sont en place : il s’agit du SIRRA (Rhône aval), du SMABB (bassin de la Bourbre), du SIAGA (le Guiers) et pour la rivière Isère et ses affluents au sud du département, du SYMBHI. Entre temps le syndicat a dû inventer une organisation spécifique.

 

Isère : Champ d'inondation contrôlée à Saint-Ismier (crédit photo SYMBHI – DUPONT RENOUX)

 

Le fruit d’une histoire

«Si on regarde tous les grands syndicats gémapiens, comme le SMAVD, le Symadrem ou le SM3A (2), chacun a une organisation unique. Celle du SYMBHI est liée à une histoire particulière» observe le nouveau directeur de son Pôle gestion des ouvrages, Damien Kuss. A sa création en 2004, le SYMBHI avait été pensé comme un syndicat de projet, pour porter les travaux d’aménagement contre les inondations de l’Isère et son affluent la Romanche. Mais depuis 2018 et la prise de compétence GEMAPI par les intercommunalités, le syndicat s’est mué en véritable gestionnaire de bassins versants. Cette transformation répond à la fois à l’esprit de la loi et à la volonté des intercommunalités et du Département, d’exercer de manière mutualisée et concertée la compétence GEMAPI, sur la partie iséroise du bassin versant. Depuis le 1er janvier 2021 le SYMBHI compte onze collectivités membres. Son organisation résulte de la fusion absorption de plusieurs entités préexistantes, dont l’Association Départementale Isère Drac Romanche (ADIDR).

Périmètre du SYMBHI 

 

Fusion avec l’AD Isère Drac Romanche

Impossible de parler du fonctionnement actuel du SYMBHI sans évoquer l’ADIDR. Pendant sa longue existence entre 1936 et sa fusion avec le SYMBHI en 2018, l’ADIDR a été incontournable pour l’entretien, le confortement et la surveillance des digues sur les plaines des trois rivières Isère, Drac et Romanche, soit plus de 200 km de linéaire avec des digues classées A et B. C’est notamment l’ADIDR qui a initié en 1992 un ambitieux schéma d’aménagement de l’Isère préfigurateur du projet Isère amont porté ensuite par le SYMBHI. Il s’agissait d’un « projet global associant ralentissement dynamique via des champs d’expansion de crue, renforcement de la stabilité des ouvrages, requalification environnementale, paysagère et piscicole, gestion du transport solide et recalibrages ponctuels », comme l’expliquait Michel Pinhas, le prédécesseur de Damien Kuss, dans une conférence en 2010.

Avec la création du SYMBHI en 2004, les deux entités ont commencé à travailler ensemble : le SYMBHI intervenait en tant que maître d’ouvrage tandis que l’ADIDR continuait ses missions de surveillance et d’entretien des digues, sur le périmètre des grandes rivières.

Entre le SYMBHI et l’ADIDR, il y avait une forte culture de coopération, d’après Fabien Mulyk et une proximité au niveau des élus. « Mon homologue président de l’ADIDR était vice-président au SYMBHI et j’étais vice-président de l’AD». D’où une « fusion absorption » qui s’est faite « sans douleur ».

 

Pôle gestion des ouvrages

L’absorption de l’ADIDR par le SYMBHI s’est traduite, au plan organisationnel, par la création d’un Pôle « gestion des ouvrages ». Ce Pôle, fort d’une dizaine de personnes, regroupe l’essentiel des anciens effectifs opérationnels de l’AD, autour de trois grandes missions : la surveillance et le suivi des ouvrages sur le terrain (avec deux garde-digues), une mission d’exploitation et travaux, qui intègre un volet important de gestion de la végétation et un volet d’entretien et de confortement des ouvrages, et enfin une troisième mission, d’études et de diagnostic des ouvrages.

Arrivé en octobre après avoir été référent national en hydraulique torrentielle au sein des services de Restauration des Terrains en Montagne (RTM) de l’Office National des Forêts (ONF), Damien Kuss apporte un regard neuf, avec un champ d’expertise portant sur l’hydraulique, la gestion d’ouvrages de protection et la gestion de la végétation. «Le Pôle ouvrages dispose d’une équipe très expérimentée. Il est perçu, en interne comme en externe, comme un service expert dans la gestion des systèmes d’endiguement», explique-t-il. Dans son large panel de missions, le Pôle fournit un appui technique aux Unités territoriales du syndicat... Unités territoriales ? Elles constituent l’autre versant de l’organisation gémapienne du SYMBHI, qui traduit l’extension de son périmètre aux affluents des grandes rivières, dans le Vercors, le Grésivaudan Sud, le Voironnais, la vallée d’Oisans et l’extrème Sud Isère.

 

   

Travaux d'entretien de la végétation réalisés en interne (crédit photo : SYMBHI)

 

Intégration des EPCI et de Grenoble

Après la fusion avec l’ADIDR, « il fallait aller chercher l’ensemble des structures qui faisaient de la GEMAPI sur le bassin versant, parce que le but était de couvrir tout le bassin versant pour devenir un EPAGE (3) », explique Fabien Mulyk. Première EPCI concernée, la métropole de Grenoble, où sont situés le siège de SYMBHI et l’ancien siège de l’ADIDR. Le transfert de la compétence Gemapi au SYMBHI y a été décidé pour l’Isère et le Drac, mais pas pour les plus petites rivières, pour lesquelles Grenoble a choisi de conserver la Gemapi en interne. « Grenoble a beaucoup de rivières souterraines, cela convient très bien que la métropole s’en occupe », observe Fabien Mulyk.

L’étape suivante a été de « discuter avec les territoires » : extrème Sud Isère, le Vercors, le Grésivaudan Sud, le Voironnais, la vallée d’Oisans… Autant de sous-bassins versants regroupant des communes avec des enjeux et des acteurs spécifiques, syndicats de rivière ou parfois parc régional, comme dans le Vercors, où le Parc a pendant des années animé le contrat de rivière « Vercors Eau Pure».

« Nous ne voulions pas que la grosse machine naissante qu’était le SYMBHI effraie ces territoires », raconte Fabien Mulyk. Après des premières discussions, un modèle organisationnel, celui des Unités Territoriales, a donc été mis en place.

 

Unités territoriales

Six Unités territoriales (« UT ») ont été créées au sein du SYMBHI : Drac, Grésivaudan, Sud Grésivaudan, Romanche, Vercors, Voironnais. Ces Unités ont pour la plupart repris le périmètre des blocs communaux (EPCI) ayant rejoint le syndicat mixte. Leur mission est, d’après le site web du SYMBHI, de « répondre aux attentes des intercommunalités membres, des communes et des acteurs locaux ». Elles ont aussi des missions très opérationnelles, qui signalent une forme de décentralisation de la « Gemapi ». Elles incluent la surveillance, par les techniciens de rivières locaux, des ouvrages relevant des UT. Ce sont aussi les UT qui pilotent les études de préfiguration et de définition des systèmes d’endiguement de leur sous-bassin versant. Plusieurs de ces études étaient d’ailleurs en cours de réalisation, début 2023, avec une sous-traitance à des bureaux d’étude.

« Après le dépôt des dossiers d’autorisation environnementale des systèmes d’endiguement de classe A et B des grands cours d’eau Isérois par le Pôle Ouvrages, c’est maintenant le tour des UT de définir les systèmes d’endiguement de classe C des affluents. Il devrait à terme y en avoir une trentaine au total », explique Damien Kuss. Enfin, plusieurs UT incorporent la définition et l’animation d’un contrat de rivière et/ou d’un Programme d’Actions de Prévention d’Inondations (PAPI), via un/e chargé/e de mission PAPI.

« Ce ne sont pas des satellites autonomes, les équipes viennent régulièrement au siège grenoblois, pour qu’il y ait un sentiment d’unité et d’appartenance», complète Fabien Mulyk. Un des enjeux de la nouvelle organisation étant de faciliter les partages et les transferts de compétence.

 

Système d'endiguement de la Romanche à l'aval de Vizille - crédit photo SYMBHI – DUPONT RENOUX)

 

Interfaces entre le pôle ouvrage et les UT

Les bonnes relations entre le Pôle gestion des ouvrages et les UT sont évidemment cruciales pour la réussite du syndicat mixte. Le Pôle Ouvrages apporte son expertise aux UT pour la conception de nouveaux projets, et notamment celle des différents PAPI sur le territoire du syndicat (PAPI Isère amont, PAPI Drac, PAPI Romanche Oisans). Des échanges interviennent également via des groupes de travail thématiques qui visent à partager des difficultés, des bonnes pratiques, des outils (logiciel SIRS Digues…). Il existe ainsi un groupe de travail sur les systèmes d’endiguement et un autre sur le plan de gestion de la végétation. Le Pôle Ouvrages et France Digues sont aussi à l’initiative de plusieurs formations ouvertes aux agents du SYMBHI et aux bureaux d’études prestataires du syndicat.

 

Gouvernance et financement

Qu’en est-il des moyens financiers ? Les contributions au Syndicat mixte proviennent à 80% de deux de ses membres : département et la métropole de Grenoble, et à 90% en comptant la communauté de communes du Grésivaudan. La contribution des autres EPCI s’étale entre 0,1% et 5% du budget. Les droits de vote sont proportionnels aux contributions, mais chaque adhérent dispose d’une vice-présidence au syndicat.

Le SYMBHI fonctionne « un peu comme un syndic d’immeuble, avec des parties communes et des parties privatives », explique Fabien Malyk. Alors que la direction et l’équipe administrative sont co-financées par les contributions des adhérents, les travaux d’aménagement sur chaque territoire sont financés par la taxe Gemapi levée sur le territoire concerné. Autrement dit, chaque EPCI conserve la gestion et le fléchage de sa taxe Gemapi. « On laisse aux territoires la hiérarchisation et la programmation des travaux », explique Fabien Mulyk.Cette autonomie se reflète dans l’élaboration des programmes PAPI, qui relève des UT. Pour autant, une partie importante des moyens financiers apportés par le département et Grenoble servent à la « PI » sur l’Isère, le Drac et la Romanche, avec une clé de répartition spécifique pour le Pôle ouvrages.

Aux contributions de ses adhérents s’ajoutent les financements classiques des acteurs institutionnels : l’Etat via le fonds Barnier pour la prévention des inondations, les Agences de l’eau voire l’Europe pour les actions sur les milieux aquatiques.

 

Répartition des financements par adhérent :

 

Quelles difficultés ?

Avec le recul, la transformation du SYMBHI a-t-elle posé des difficultés ? Elle s’est déroulée sans accrocs majeurs, d’après Fabien Mulyk, qui relève tout de même quelques complexités liées aux différences de statut entre les agents employés par les structures associatives, dont l’ADIDR et les agents du SYMBHI, ces derniers ayant un contrat de travail et des évolutions de carrière calés sur ceux des départements. « Il a fallu caler les choses pour que personne n’y perde ».

 

Evolutions organisationnelles

Vu de l’extérieur, le SYMBHI est souvent perçu comme un syndicat « pionnier» de la Gemapi [c’est d’ailleurs un des co-fondateurs de France Digues]. Mais cette expérience ne signifie pas que son organisation soit figée. De fait, des compétences nouvelles peuvent lui être ajoutées, entraînant des adaptations. Depuis novembre 2022, l’Etat a transféré au syndicat la gestion du domaine public fluvial de l’Isère en amont de Grenoble. « La compétence inclut la gestion du lit de la rivière, la maîtrise de son profil en long et l’entretien de la végétation sur les bancs et les rives. Les études réalisées par le SYMBHI montrent qu’il est nécessaire d’extraire 100.000 m3 par an de matériaux du lit de l’Isère à l’amont de Grenoble», explique Damien Kuss. Le Pôle Ouvrages prendra également en charge la gestion administrative et financière des occupations temporaires du domaine public, ce qui nécessitera un recrutement spécifique, pour réaliser dans de bonnes conditions ces nouvelles missions. D’autres facteurs pourraient nécessiter des évolutions organisationnelles, que ce soit l’intégration d’une trentaine de systèmes d’endiguements supplémentaires (de classe C, au niveau des UT), ou aussi « le durcissement continu des contraintes réglementaires », selon Damien KUSS qui prend pour exemple l’arrêté du 8 août 2022. Avec un défi, pour le SYMBHI : diffuser aux UT une culture d’exploitation et de gestion patrimoniale des ouvrages.

Lave torrentielle à la Combe de la Pierre Noire, coupant le Vénéon (août 2021)

 

Plus de coordination avec un EPTB

En matière d’organisation Gemapi, il n’y a donc ni recette unique, ni modèle immuable. Mais il y a une réalité géographique. L’Isère ne se cantonne pas au département éponyme, elle prend sa source en Savoie et rejoint le Rhône dans la Drôme. Cette situation a suscité un autre projet, complémentaire de la montée en puissance du SYMBHI : il s’agirait de créer un établissement public territorial de bassin (EPTB) pour l’intégralité du bassin versant. Le projet est porté par les deux départements Isère et Savoie, via une association de préfiguration. « Il aurait été très difficile de créer un EPTB de but en blanc avec les Gémapiens des départements voisins, car personne ne se connaissait, chacun ayant ses habitudes et ses priorités », remarque Fabien Mulyk. C’est dans cette optique que le SYMBHI vient d’être labélisé Epage, en février 2023.

En germe, c’est le rêve d’une coordination gemapienne depuis la haute frontière italienne, où prend sa source la rivière, jusqu’à Valence et la confluence avec le Rhône. C’est aussi la perspective, pour le syndicat, d’un autre ajustement de son organisation, celle-ci devant s’adapter au rôle et aux futures compétences du nouvel établissement.

 

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CARACTERISTIQUES CLE DU SYMBHI

Bassin versant

4600 km2

Nombre de communes présentes

297

Nombre d’EPCI adhérents

11

Effectifs du Syndicat

44

Linéaire d’ouvrage recensé par les services de l’Etat

250 km pour la partie gérée par le Pôle ouvrages

 

Adhérents du SYMBHI :

  • Le Département de l’Isère
  • Grenoble Alpes Métropole
  • La Communauté de Communes Le Grésivaudan
  • La Communauté d’agglomération du Pays Voironnais
  • La Communauté de communes de l’Oisans
  • Saint-Marcellin Vercors Isère Communauté
  • La Communauté de communes de la Matheysine
  • La Communauté de communes du Trièves
  • La Communauté de communes du Massif du Vercors
  • La communauté de communes Bièvre Est
  • La communauté de communes Royans Vercors.

 

Note 1 : La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014 a créé une compétence exclusive et obligatoire au profit du bloc communal pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI). La loi portant nouvelle organisation territoriale de la république (NOTRe) du 7 août 2015 a transféré cette compétence vers l’échelon intercommunal et l’a rendu effective à compter du 1er janvier 2018.

Note 2 : Le SMAVD est le Syndicat Mixte d’Aménagement de la Vallée de la Durance. Le Symadrem est le Syndicat Mixte Interrégional d’Aménagement des Digues du Delta du Rhône et de la Mer. Le SM3A est le Syndicat Mixte d'Aménagement de l'Arve et de ses Affluents.

 

Crédit photos :

Photos aériennes : SYMBHI – DUPONT RENOUX

Autres photo : SYMBHI

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