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Financer ou non l’entretien d’un casier agricole

Article de journal


illustration Financer ou non l’entretien d’un casier agricole

Dès lors qu’un casier agricole n’est pas intégré à un système d’endiguement, son entretien n’est pas du ressort de l’intercommunalité en charge de la compétence GEMAPI. Mais un soutien financier peut être voté au cas par cas. Exemple en rives de Saône, à Terres de Bresse.

Un vote à bulletin secret, pour réparer la vanne d’un casier agricole. C’est ainsi que la démocratie locale peut financer, au cas par cas, des ouvrages privés de protection contre les crues. Au bord de la Saône, en aval de sa confluence avec le Doubs, plus de 200 km de remblais en terre (longtemps appelés des digues) ont été érigés pour protéger les terrains contre les crues habituelles de la rivière. Ces constructions datent de la deuxième moitié du 19ème siècle. Bien qu’on les appelle casiers agricoles, leur rôle historique n’est pas de stocker l’eau de la rivière, mais de protéger les terrains contre les crues printanières. « Il y avait là surtout des prairies et l’hiver, les agriculteurs ouvraient les vannes, pour que les crues hivernales viennent amender leurs terres. Ils fermaient les vannes au printemps, les terres étaient protégées », explique Cédric Borget, chef du pôle Inondations à l’établissement public territorial de bassin Saône-Doubs. Entre l’après-guerre et les années 70, le fonctionnement des casiers a changé. Des grandes cultures souvent céréalières ont remplacé en partie les prairies et l’élevage extensif. Depuis, la grande majorité des exploitants laissent les vannes fermées, printemps comme hiver. Mais la question de l’entretien et du financement des casiers se pose sous un jour nouveau, depuis la mise en place des réglementations sur les systèmes d’endiguements (décret Digues de 2015…) et de la compétence GEMAPI.

 

Vannage sur le casier agricole de Saint Germain du Plain (crédit : EPTB Saône et Doubs)

 

Protection contre les crues fréquentes
En Saône-et-Loire, l’un de ces casiers est situé à Saint Germain du Plain, petite ville située à 15 km au sud de Chalon-sur-Saône, sur la communauté de communes Terres de Bresse. Long de 5,6 km, le casier permet la protection de terrains agricoles sur environ 500 hectares, ainsi que celle d’une route départementale et d’un restaurant, contre les « petites » crues d’une période de retour inférieure à 5 ans. Pour des crues plus importantes, avec ou sans casier les terres sont inondées et le hameau voisin (Thorey) peut se retrouver coupé d’accès au niveau de la départementale.

 

Vue aérienne de casiers agricoles inondés (crédit EPTB Saône et Doubs)

 

Pas de système d’endiguement
Comme pour d’autres casiers en val de Saône, la question s’est récemment posée aux élus de l’intercommunalité (en charge de la compétence GEMAPI), de savoir si le casier agricole méritait d’être intégré dans un système d’endiguement autorisé. Une intégration implique toute une série d’obligations de gestion et d’autorisations réglementaires. Pour trancher sur cette question, les élus s’appuient sur des études et des modélisations hydrauliques, afin d’estimer et d’objectiver les risques d’inondation, ainsi que le rôle des casiers déjà en place.

A Saint Germain du Plain, des études hydrauliques et topographiques ont conduit les élus à ne pas faire autoriser de système d’endiguement, du fait du rôle limité du casier en termes de protection d’utilité publique. Un seul système d’endiguement a été décidé par Terres de Bresse, il se situe plus en amont, à Ouroux-sur-Saône. Cette non-inclusion n’est pas neutre de conséquences financières : l’entretien de la « digue » et de ses vannages n’incombera pas à l’autorité gémapienne, mais à l’association syndicale (ASA), qui en est gestionnaire et co-propriétaire. Pour autant, rien n’empêche le bloc communal de débattre et décider par le vote, d’une prise en charge partielle des frais d’entretien d’un casier. C’est ce qui s’est passé avant l’été.

 

Schéma descriptif d'un casier agricole (crédit EPTB Saône et Doubs)

 

Une vanne à réparer, un débat
Début juin, explique le journal de Saône-et-Loire, le conseil communautaire de Terres de Bresse a dû se prononcer sur une requête, faite par l’ASA gestionnaire du casier, principalement constituée d’agriculteurs, pour co-financer à hauteur de 16.000 euros, soit la moitié du coût total, la réparation d’une des vannes du casier. Sur les 500 hectares protégés, 10 à 20% sont en culture, principalement de maïs, d’après un descriptif du casier datant de 2017.

La demande de l’ASA a suscité des débats en conseil communautaire, jusqu’au vote à bulletin secret, raconte le journal. Parmi les votants, le président de l’intercommunalité s’est exprimé en faveur d’un co-financement. « Les agriculteurs nourrissent des gens, ils entretiennent 97 % de nos territoires. On a mis 80 000 € dans une étude et là, ça fait deux heures qu’on parle pour mettre 16 000 € pour la réparation d’une vanne qui protège un bout de digue ? » (source : Journal de Saône-et-Loire). Résultat du vote : 16 élus contre, 22 élus pour.

 

Exemple de casier agricole en crue "limite" (2006, crédit EPTB Saône et Doubs)

 

Eclairage de l’EPTB
Sur plus de la moitié des bassins versants de l’hexagone, les élus locaux peuvent s’appuyer sur l’expertise d’un l’établissement public territorial de Bassin (EPTB), pour les questions liées à la prévention des inondations (PI) et à la gestion des milieux aquatiques (GEMA). En val de Saône, depuis 2007 l’EPTB Saône et Doubs assure ce rôle. Et c’est très logiquement qu’il a été consulté par des élus, avant le vote. C’est ce qu’explique Cédric Borget, chef du pôle Inondations à l’EPTB, contacté par France Digues :

 «Des élus ont demandé à l’EPTB s’ils pouvaient répondre positivement à l’ASA. Certains étaient plutôt réticents au financement, ils s’inquiétaient de créer un précédent. D’autres élus étaient plutôt pour. Nous avons essayé d’éclairer les deux types d’élus autant que possible. D’autres intercommunalités nous avaient déjà sollicité sur ces questions liées aux casiers agricoles. Certaines intercos ont décidé de ne rien financer en dehors des systèmes d’endiguement. Mais d’autres ont décidé de co-financer l’entretien d’un casier, parfois dans la continuité de ce qu’elles faisaient au titre de la compétence« aménagements hydrauliques », qu’elles avaient prise dans les années 90 ».

Certains blocs communaux voulaient aussi savoir si le produit d’une taxe Gemapi peut être affecté à l’entretien d’un casier agricole. D’après le code général des impôts, la réponse est non, car ce produit doit être exclusivement affecté au financement de charges résultant de l'exercice de la compétence Gemapi. Or le volet « PI » de la compétence Gemapi passe nécessairement par des systèmes d’endiguement (et des aménagements hydrauliques) autorisés. La seule source de financement possible, pour les intercommunalités, est donc leur budget général.

Vannage sur le casier agricole de Saint Germain en Plain (crédit : EPTB Saône et Doubs)

 

Avenir des casiers agricoles
Le sort des casiers agricoles n’est pas qu’une affaire de financements. Deux autres questions, technico-administratives, vont surgir à court terme pour les gestionnaires de casiers (ASA le plus souvent). La première concerne les casiers non retenus dans un système d’endiguement et qui n’avaient pas été classés administrativement au sens de la rubrique 3.2.6.0. de la loi sur l’eau. Il s’agit de leur bonne conformité aux dispositions de la Loi sur l’eau. «Les services de l’Etat vont probablement demander aux gestionnaires de réétudier leur conformité à la loi sur l’eau ainsi que le mode de gestion des vannages, de manière concertée avec les autres acteurs du territoire» anticipe Cédric Borget.

Quant aux casiers agricoles non retenus dans un système mais qui ont été, dans le passé, classés comme des digues, leurs gestionnaires devront justifier qu’ils ne créent pas de sur-aléa en situation de crue ou d’inondation. Sur cet autre sujet, nous renvoyons le lecteur vers notre article consacré à la neutralisation des digues.

 

 

Sources :

https://www.lejsl.com/economie/2024/06/06/la-reparation-d-une-digue-agricole-provoque-le-debat

Et l'EPTB Saône et Doubs.

 

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