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En Suisse, la dernière crue du Rhône ravive les débats sur le projet d’aménagements « R3 »

Article de journal


illustration En Suisse, la dernière crue du Rhône ravive les débats sur le projet d’aménagements « R3 »

Lancée en 2000, la « Troisième correction » du Rhône est un vaste projet d’aménagements contre les crues du fleuve. Les premiers travaux ont débuté, mais les scénarii de rupture et d’aménagement font l’objet d’un réexamen, tandis que le Rhône a connu une crue historique fin juin.

« Une situation de crue extrême », résume le chef du Service valaisan des dangers naturels, interviewé par le média suisse RTS. La crue du Rhône dont il parle s’est produite à la fin du mois de juin, quand le débit du fleuve a battu des records historiques en amont du lac Léman, dans le canton du Valais. Le fleuve y a atteint 1200 m3/s, des personnes ont dû être évacuées par hélicoptère et une zone industrielle a été inondée.

L’événement a réactivé les débats autour du vaste projet d’aménagement du Rhône en Suisse, appelé la « troisième correction » ou «R3 ». Troisième correction? Ce projet lancé en 2000 par les deux cantons du Valais et de Vaud, fait suite aux deux premières « corrections » du Rhône. La première date des années 1863-1884 et la seconde des années 1930-1960. Cette fois, les travaux concernent un secteur long de 162 km en amont du Lac Léman… Mais le projet a fait l’objet d’une réévaluation en 2022 2023, entraînant les autorités du Valais à décider de sa « révision » en mai 2024. Une révision qui suscite la critique d’une partie des professionnels du risque inondation en Suisse. La crue intervenue fin juin s’est invitée dans les débats, chacun y voyant des arguments en faveur de ses propres positions : révision ou maintien tel quel de R3.

 


crédit : site institutionnel du Canton du Valais

 

Digues en mauvais état

L’objectif initial de R3 est de « sécuriser la plaine, ses habitants et ses infrastructures et de rendre le fleuve plus naturel », explique le Canton du Valais sur son site web. Les autorités du Canton se sont appuyées notamment sur le constat d’un état alarmant des digues, suite à la crue du Rhône de 2000. « Entre Brigue et le Léman, la moitié de celles-ci sont dangereuses, en raison de leur manque de stabilité (risques d’érosion interne et de renard hydraulique). A tel point qu’elles peuvent se rompre avant même que survienne un débordement », peut-on lire dans un rapport de synthèse du projet R3 datant de septembre 2015.

 


Travaux R3 déjà réalisés (source : Canton du Valais)

 

Début des travaux en 2009
Les travaux de la troisième correction du Rhône ont donc débuté à partir de 2009 à Viège avant de se déployer sur une douzaine de secteurs, comme l’indique une cartographie publiée sur le site web du canton du Valais. Ces premiers chantiers ont surtout consisté à renforcer les digues les plus fragiles, à installer des palplanches, ainsi qu’à des extractions ponctuelles pour abaisser le fond du fleuve. Aujourd’hui, le débat se focalise sur la suite du projet, en particulier l’ampleur des élargissements du cours d’eau et sur la pertinence de refaire une partie des modélisations.

Révision du projet
Et si R3 avait été conçu à partir d’estimations excessives des dommages et de scénarii de rupture de digues irréalistes ? Et si les projets d’élargissement du fleuve étaient excessifs ? Ces questions se sont retrouvées au centre de la mission d’analyse, diligentée en 2022 par le Département de la mobilité, du territoire et de l’environnement du Canton du Valais. Concernant les élargissements du fleuve, ils ont été dimensionnés sur des largeurs allant localement jusqu’à 60 à 70 mètres dans le projet initial, en partie sur des terres agricoles parmi les plus fertiles du pays… Ce qui entrerait en contradiction avec certains objectifs de planification agricole. De plus, l'Office fédéral de l'environnement a estimé qu’ « un espace de 15 mètres de chaque côté est suffisant "bien que très minimal", peut-on lire dans la presse suisse. De quoi susciter des doutes, puis la révision du projet.

En mai 2024, le gouvernement du Valais a résumé en ces termes une partie des conclusions du rapport d’analyse :

« Au terme d’investigations approfondies menées par la société E-AS SA à Lausanne, l’analyse montre que les objectifs sécuritaires définis dans le cadre du projet sont très élevés et se situent au-delà de ce qui est généralement recommandé dans le domaine de la protection contre les crues. L'évaluation des risques a conduit à une estimation des dommages largement supérieure à ceux provoqués par la crue d’octobre 2000, en particulier du fait du choix d'un scénario théorique de rupture complète des digues sur une très grande partie de leur linéaire» (communiqué du Canton du Valais).

Réaction des professionnels

Mais les voix se sont multipliées pour défendre les scénarii de R3 et les aménagements prévus. Des appels à maintenir le projet initial émanent d’hydrologues et d’experts reconnus en aménagement des cours d’eau, qui se sont exprimé dans le média public RTS et dans la presse spécialisée. Jürg Speerli, ancien président de la Commission pour la protection contre les crues (CIPC) de l'Association suisse pour l'aménagement des eaux (ASAE) estime notamment que l’élargissement prévu reste, indispensable, pour des raisons avant tout hydrologiques :

 «Une protection durable et sûre contre les crues n'est tout simplement pas possible sans un élargissement, en raison de l'histoire des deux corrections passées, c'est-à-dire du rétrécissement, de la construction de digues déjà élevées. Et cet élargissement ne doit pas être confondu avec des revalorisations écologiques ». Jürg Speerli cité par Espazium.

Cette prise de parole rejoint dans ses grandes lignes celle de deux institutions spécialisées. La FAN, réseau des spécialistes des dangers naturels créé en 1992 et la Commission pour la protection contre les crues (CIPC) ont en effet toutes deux réagi négativement à l’annonce faite en mai 2024, d’une révision de R3.

Contours de la révision
A ces critiques, les autorités du Valais ont répondu que la remise en question du projet ne signifierait pas sa fin prématurée, mais son redimensionnement, à partir d’une réévaluation des débits du fleuve et une actualisation des scénarios de rupture.

La révision décidée en mai devrait en effet réactualiser « les données de base de protection contre les crues (par exemple l’état des digues, l’évaluation des débits, les scénarios de rupture de digues, les dommages potentiels ou l’inventaire des sites pollués) ainsi que les choix techniques », selon le site insitutionnel du canton du Valais.

Les débats devraient se poursuivre après l’été, lorsque le groupe de travail en charge de la révision se sera penché sur chacun des aménagements prévus. Quant à l’impact du projet sur les crues en aval du lac Léman, côté français, il semble qu’il n’ait pas été évalué. Parce qu'il est minime ?

Sources : 

https://www.espazium.ch/fr/entretien-correction-rhone-3

https://www.rts.ch/info/suisse/2024/article/les-crues-en-valais-font-enfler-le-debat-sur-la-revision-de-la-troisieme-correction-du-rhone-28556058.html

https://www.vs.ch/web/rhone

 

Crédit de la photo de tête : capture d'écran d'une vidéo du média public RTS

 

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