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En Camargue, une digue inédite en sol-chaux
Avancement projet
Long de plus de 200 mètres et instrumenté, l’ouvrage est composé d’un mélange de sol-chaux, inédit sur le littoral. Le but : pour les chercheurs du projet « Digue 2020 » tester la pertinence du sol-chaux en milieu maritime. Thibaut Mallet, directeur du SYMADREM, nous présente le projet.
La digue expérimentale a été inaugurée le 13 octobre à Beauduc, entre Arles et les Saintes-Maries-de-la-Mer. Elle est conçue dans le cadre du projet de recherche « Digue 2020 » piloté par l’INRAE (fusion de l’INRA et d’Irstea). L’objectif est de « tester et éprouver le sol-chaux comme composant d’une digue maritime ».
Ce projet associe le Syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer (SYMADREM) à plusieurs établissements de recherche : INRAE, le CEREMA, ainsi que l’université Gustave Eiffel (ex-IFSTTAR) et Aix-Marseille Université.
En recul de trait de côte
La digue n’est pas située directement sur la côte, mais en recul du trait de côte, nous explique Thibaut Mallet, directeur du SYMADREM. « Ce n'est donc pas la résistance à la houle qui est mesurée mais la résistance au batillage. Nous n'avons jamais envisagé que le sol-chaux pourrait lutter contre les effets de la houle. Ils sont trop importants. En revanche, le sol-chaux peut être une alternative aux protections en enrochements d'une digue maritime située en retrait du trait de côte ». Le batillage désigne l’ensemble des remous causés par le vent et par le trafic des bateaux, sur une berge ou sur une digue.
Mélange sol-chaux
Le sol-chaux est un sol dans lequel on introduit un faible pourcentage de chaux. La chaux se mélange dans la structure interne du sol, réagit avec les particules d'argile et augmente sa cohésion, sa résistance mécanique et in fine sa résistance à l'érosion. Le sol va alors présenter des caractéristiques sensiblement améliorées par rapport à un remblai classique.
« La chaux a la particularité de pouvoir rendre un sol de qualité médiocre en un matériau de très bonne qualité mécanique, résistant et durable », explique Laurent Peyras, Ingénieur chercheur à INRAE et directeur du projet DIGUE 2020.
Mais, ajoute Laurent Peyras, « nous connaissons mal l’action de la mer sur le sol-chaux. Le matériau est sans cesse sollicité : houle, vent, batillage, tempête, sans oublier l’action de la salinité». D’où le projet Digue 2020, qui permettra de suivre le devenir de l’ouvrage installé à Beauduc, grâce à une batterie complexe de capteurs et d’instruments.
Instrumentations
Piézomètres, géophones pour l’écoute du bruit, accéléromètres pour la mesure des mouvements, fibres optiques pour les mesures de la température et des déformations, ainsi que des capteurs météorologiques et chimiques, sont ainsi incorporés dans la digue afin de permettre un suivi sur 20 ans.
Grâce à ces instrumentations, il sera possible de connaître le gain de résistance apporté par un sol traité à la chaux. « Nous pourrons donc savoir si le sol-chaux peut améliorer sensiblement le niveau de sûreté d'un remblai en terre classique avec des talus végétalisés ou se substituer à une digue protégée par une carapace en enrochements », ajoute Thibaut Mallet.
Intérêt du sol-chaux
Outre la bonne tenue mécanique du mélange, le sol-chaux présente d’autres avantages qui motivent l’intérêt du SYMADREM, dont celui de réduire l’apport de matériaux lors du confortement d’une digue.
« L’avantage potentiel est que le confortement d’une digue peut se faire avec les matériaux de l’ancienne digue, en y incorporant de la chaux : c’est donc intrinsèquement une technique économique, et surtout vertueuse pour l’environnement », explique Thibaut Mallet. Cet intérêt serait particulièrement pertinent pour le confortement d’une digue pré-existante. Le sol-chaux permet de valoriser le sol ancien, avec un recours moindre aux enrochements lourds.
Usage en contexte fluvial
La digue en sol-chaux à Beauduc est une première en France en contexte maritime, mais qu’en est-il pour les protections contre les inondations fluviales ? Là aussi, le sol-chaux est à l’étude. En 2017 à Salin de Giraud, un hameau d’Arles, le SYMADREM a réalisé une plot d'essai en partenariat avec le Centre d'Ingénierie Hydraulique d'EDF et l’INRAE, pour tester la résistance à la surverse d'une digue fluviale traitée à la chaux. Ces essais se sont révélé concluants, ce qui ouvre la voie à une utilisation en conditions réelles sur une digue route, en 2023.
« Les résultats techniques et économiques ont été très concluants et nous poursuivons les investigations pour envisager le recours éventuel à cette technique pour la réalisation d'une digue route résistante à la surverse de 3,5 km de long, en aval de Salin de Giraud. Dans ce projet qui devrait débuter en 2023, le sol-chaux pourrait être une alternative sur le talus côté zone protégée aux enrochements destinés à résister à la surverse, mais également aux enrochements prévus sur le talus fleuve pour résister au batillage provoqué par la navigation sur le fleuve et par les entrées maritimes, car la digue est située à proximité de l'embouchure du Grand Rhône et de la Mer », détaille le directeur du SYMADREM.
La chaux pourrait permettre également d'optimiser la structure de la route implantée en crête de digue. Un triple gain dans cette configuration!
Pour approfondir :
https://www.symadrem.fr/digue-2020-sol-chaux-et-capteurs-de-haute-technologie/
Crédits photo : INRAE (l'inauguration) et SYMADREM (la digue)
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