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Digues fluviales : apprendre à vivre avec les blaireaux
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Pour les gestionnaires de digues fluviales, s'il y a un animal à surveiller, c'est le blaireau. Ses galeries souterraines, qu'il aime creuser dans le talus d'une digue, fragilisent l'ouvrage et créent un risque d'inondation. Dans le Haut-Rhin, le conseil départemental et la Ligue pour la Protection des Oiseaux expérimentent la relocalisation de l'animal. Une innovation de « cohabitation intelligente ».
Que ce soit les cages pour le capturer, les chasseurs à l'affût la nuit pour le tuer, le répulsif pour le faire déménager ou le grillage pour l'empêcher de revenir, rien n'y a fait. En Alsace comme dans d'autres régions de France, les digues de protection fluviales intéressent les blaireaux. Ils y trouvent un sous-sol presque idéal pour creuser leurs galeries et leur terrier. A Houssen dans le Haut-Rhin, c'est le cas sur la digue de protection de l'Ill. Casse-tête pour les gestionnaires de digues, car le terrier crée un risque d'affaissement et d'inondation. Après avoir tout essayé, l'équipe gestionnaire du département a décidé de changer de stratégie.
« Lors d'une de nos visites techniques de contrôle sur la digue à proximité d'Houssen, nous avons été très étonnés de voir qu'un blaireau était passé en dessous du grillage que nous avions installé justement pour l'empêcher de revenir. Il s'est réinstallé exactement au même endroit », explique Gwendoline Kervellec, ingénieur au Services Rivières et Barrages du département du Haut-Rhin. Le grillage avait été installé après la crue de décembre 2012, quand il avait fallu colmater en urgence les galeries creusées par l'animal, afin d'empêcher l'inondation des champs voisins. Par la suite, des travaux d'ampleur (arasement et recompactage) avaient été menés sur la digue ainsi que l'installation de grillages anti-fouisseurs. Aujourd'hui, plutôt que de réinstaller ces barrières inefficaces, le département construit un terrier artificiel à proximité. Le but ? Accueillir l'animal sans le faire changer de territoire. Mais comme le blaireau est délicat à manipuler, le Service Rivières et Barrages a fait appel à des associations de protection de la nature. Ensemble, ils sont en train de déployer un protocole expérimental minutieux, qui maximise les chances de « relogement » durable.
Animal ingénieur et fouisseur
A Houssen, sur l'Ill, cela fait plusieurs années qu'un clan de blaireaux a été recensé sur une parcelle proche de la digue classée B. Ces omnivores se sont-il installés là pour manger les épis de maïs des champs avoisinants ? Non, car « 80% de leur menu sont des lombrics », précise le directeur de la LPO Alsace, Christian Braun. Mais comme « cet animal affectionne les substrats drainants, en pente », les talus de digues ont toute son attention. Le faire fuir ? Pas facile, car il est très attaché à son territoire. L'éradiquer ? « Le terrain a toutes les chances d'être réoccupé par un autre clan plus tard », ajoute monsieur Braun.
Protocole expérimental
Au départ du projet de relocalisation, c'est d'abord une étude bibliographique qui a été menée, courant 2015. «La LPO et son partenaire le GEPMA (Groupe d'études et de protection des mammifères d'Alsace) nous ont appris qu'en Angleterre, où le même problème existe, des créations de terriers artificiels ont eu lieu. Nous avons décidé de faire la même chose», raconte Gwendoline Kervellec. Après des échanges avec des associations anglaises et hollandaises, une chambre artificielle a pu être construite. A la fin de l'année 2015, elle a été enfouie sous un remblais voisin de la digue, érigé pour l'occasion. Plusieurs « amorces » de galerie, avec des tuyaux en bétons complètent le dispositif. Quant à la galerie indésirable, elle sera munie de trappes anti-retour, pour permettre la sortie des blaireaux. Une trappe qui ne sera installée qu'après la relocalisation du blaireau, et complétée d'un produit répulsif, au premier trimestre 2016 si tout se passe bien.
« Nous ne sommes pas certains que cela va fonctionner », prévient, prudente, Gwendoline Kervellec. Les blaireaux ayant coutume de creuser des galeries secondaires sur leur territoire, il convient de leur laisser un espace de repli : une ancienne digue, par exemple. Autre impératif : éviter la présence d'humains ou de machines près de son terrier, ce qui pourrait le pousser à déménager. Pour expliquer l'enjeu du projet et les précautions à prendre, des réunions de concertation ont donc été organisées, avant le début des travaux, à la mairie d'Houssen. « Ce type de projet ne peut marcher que si le public, les chasseurs et les garde-chasse, sont informés », prévient la jeune femme. Mais dans une région très attachée à la nature, le blaireau est un sujet qui plaît et l'initiative a été bien accueillie. « C'est un animal plutôt sympathique, qui a une très mauvaise vue », complète Christian Braun. Le risque d'inondation que créerait l'échec du relogement explique aussi le bon accueil des riverains.
Pour mettre toutes les chances de leurs côtés, le département a décidé de s'appuyer sur la fameuse brigade verte, qui regroupe les garde-champêtre du Haut-Rhin. Ces derniers viendront faire des visites de surveillance, en complément d'une caméra infra-rouge, qui vérifie de nuit le relogement du mammifère. Les visites seront utiles au printemps et en automne, quand les blaireaux redoublent d'activité.
Pour savoir si le relogement est réussi, il faudra attendre, à Houssen, l'été, voir l'automne 2016. Si l'expérience réussit, ce sera une grande première en France, qui pourra être dupliquée sur d'autres portions de l'Ill et dans d'autres régions. Une première peu coûteuse : Selon Gwendoline Kervellec, l'opération a coûté moins de 8000 euros de travaux et matériels, plus environ 20 heures d'ingénierie.
Thibault LESCUYER.
Contact technique : rivieres@haut-rhin.fr
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1 commentaire
- Par Marion TUCCI -
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Un retour d'expérience du réseau TMR (techniciens médiateurs de rivières) : http://www.cpa-lathus.asso.fr/tmr/fichiers/113/97/2009-P%20HUBERT-Reparation%20et%20protection%20de%20terriers%20sur%20digue%20de%20Loire-Dep37.pdf
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