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Comment Val de Garonne répare dans l’urgence
Retour d'expérience
Sources : Val de Garonne - Brèche à Sénestis L'ïle après la crue de février 2021
Réparer des digues de la Garonne avant la prochaine crue. A la communauté d’agglomération Val de Garonne, le service gémapien et ses partenaires ont appris à gérer dans l’urgence.
Savoir jongler entre les études géotechniques et les travaux, savoir combiner les marchés à urgence impérieuse et les marchés à bon de commande : tout un art. Sur un territoire identifié « à risque important d’inondation » (TRI), situé en amont et en aval de Marmande, c’est ce que pratique la communauté d’agglomération Val de Garonne (63.000 habitants). Principaux protagonistes : une équipe resserrée en charge de la Prévention des inondations, la « PI », des élus très au fait du risque d’inondation et des entreprises de travaux réactives. Tous ont la culture du risque, mais certaines crues sont plus problématiques que d’autres.
Février 2021. Les pluies entraînent une crue importante de la Garonne, impactant directement le territoire de Val de Garonne. L’aléa, lors de cet épisode de crue, fait grimper le débit de l’eau jusqu’à 6000 m3 par seconde. La crue crée quatre brèches de grande taille dans les digues classées, ainsi qu’une quarantaine de désordres de plus petite ampleur. Sur certains points du linéaire, l’épisode de crue correspondrait à une période de retour de 20 ans.
Huit mois après la crue, Florent Craipeau, chef du service Gemapi, explique comment avec les élus et les entreprises locales, il réussit à réparer les protections, au fil d’un calendrier tendu par la saisonnalité des crues.
« Notre volonté était d’aller vite dans les réparations pour sécuriser les populations avant la période de crue du printemps 2021. Mission accomplie, et dans les règles de l’art ». Jacques Bilirit, Président de Val de Garonne Agglomération.
Un service Gemapi resserré
Après sa prise de compétence Gemapi anticipée, en 2015, l’intercommunalité Val de Garonne a décidé de conserver la compétence « Prévention des inondations » en interne, pour les 90 km de digues classées de la Garonne. Ce linéaire est géré par une petite équipe de trois personnes. Le reste du linéaire, 70 km de remblais principalement agricoles, sur les affluents de la Garonne, est géré par les propriétaires privés. Quant à la compétence de Gestion des milieux aquatiques (« Gema »), elle est transférée aux syndicats de rivière du territoire.
90 km de digues
Les 90 km de digues sur la Garonne sont des digues classées suivant l’ancienne réglementation. En majorité, elles sont en terre et en argile, assez basses. Erigées souvent de longue date, leur fonction historique était de protéger contre les crues fréquentes, mais pas contre les crues majeures. Ces digues sont complétées par des casiers hydrauliques et des déversoirs en génie civil.
Lors de la crue de 2021, tout ce linéaire (90 km+70 km) n’était pas déclaré aux autorités administratives en tant que système d’endiguement : le chantier technico-administratif des études de dangers (EDD) et des demandes de régularisation n’était pas terminé. Il devrait d’ailleurs se poursuivre jusqu’en 2022, le choix des niveaux de protection par les élus devant intervenir fin 2021.
Les dégâts de février 2021
Quatre brèches, longues d’environ 400 mètres en cumulé, ont été constatées sur les digues de la Garonne. S’y ajoutent 45 désordres moins importants sur le reste du linéaire. Certains dégâts sont très inhabituels. «Avec un débit jusqu’à 6000 m3/sec, la crue a causé des cratères dans trois casiers de protection : ce sont des trous de plusieurs mètres de profondeur, qui font la jonction avec la nappe phréatique affleurante », précise Florent Craipeau.
Quant aux 45 plus petits désordres, ils sont plus classiques et localisés : renards hydrauliques causés par l’érosion interne, ainsi que des érosions externes causées par la surverse (érosions de crête). Les déversoirs n’ont pas été épargnés, avec ici ou là les joints en béton déjà plusieurs fois rénovés, qui ont sauté.
Tous ces dégâts ont été constatés dans les jours suivant la décrue, par l’équipe Gemapi de terrain, composée de deux personnes : un agent de terrain et une technicienne de rivière. Comment ont-ils fait ? « Avec deux véhicules déposés à chaque extrémité, en marchant vite… Sur certains secteurs, nous savions que la crue n’avait pas surversé les digues. Nous les avons alors parcouru en « saut de puce ». D’autres secteurs étaient encore inaccessibles dans les jours qui ont suivi la crue, ce qui a enlevé du linéaire pour l’inspection d’urgence. Une seconde inspection complète a finalisé le constat un peu plus tard, mais les principaux désordres avaient déjà été inventoriés. Ils ont fait un super travail », explique le chef de service Gemapi.
Marchés à bon de commande et d’urgence impérieuse
Une des solutions pour aller vite, c’est d’avoir un marché à bons de commande, établi à l’avance. « Le gros avantage, c’est de ne pas avoir à chercher des entreprises en urgence. Aussi, les prix sont fixés à l’avance, ce qui est intéressant, car parfois, les prix proposés ne sont pas les mêmes, en situation d’urgence », explique Florent Craipeau.
Pour des travaux sur des digues classées, la réglementation impose d’avoir un bureau d’étude technique (BET) agréé. N’ayant pas de marché à bon de commande sur ce volet, Val de Garonne a décidé de passer un marché en « urgence impérieuse » : cette modalité de la commande publique permet de recourir à un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables.
Avec ou sans étude géotechnique
Mais une difficulté a surgi : le BET n’a pas voulu s’engager sur des préconisations techniques pour les quatre brèches, sans avoir effectué de prospection géotechnique préalable. Ce qui aurait repoussé les réparations à l’après-période de crue printanière, contrariant la commande politique. « Les élus nous ont dit : on y va quand même, car plusieurs villages se retrouvaient sans protection », raconte Florent Craipeau. Alors comment faire ?
Première étape : se faire conseiller, pour les travaux les plus délicats, par le bureau d’études agréé, même s’il n’engage pas sa responsabilité juridiquement.
Seconde étape : appliquer l’état de l’art en reconstruction de digue, en se fondant sur l’expérience acquise. Le compactage du linéaire en argile, par exemple, a mobilisé huit passages d’engins en pieds de mouton. Cette précaution n’aurait peut-être pas été nécessaire si la prospection géotechnique avait eu lieu.
Troisième étape : réaliser les études géotechniques après travaux, afin de valider la solidité des reprises. Ces études ont été conduites au printemps, pour les 4 brèches. Elles ont validé la solidité de la réparation.
Trouver l’argile
Autre difficulté, trouver de l’argile en urgence. 60.000 m3, pour reconstruire. Confrontée à cette problématique, l’intercommunalité a eu la chance de pouvoir compter sur la disponibilité d’argile locale. Celle-ci provenait d’une gravière voisine (carrière produisant des granulats), située dans le lit majeur de la Garonne. « Ils avaient des stocks en surplus et cela les intéressait de nous fournir en argile. De notre côté nous savions que leur terre avait les bonnes caractéristiques suite à des essais en laboratoire », explique Florent Craipeau.
Financer les travaux
Mais comment financer ces travaux d’urgence, qui ont été chiffrés à 5,8 millions d’euros dans la foulée de la crue ? L’intercommunalité a sollicité la dotation de l’État via le fonds de solidarité et celui-ci devrait l’accompagner à hauteur de 1 366 000 €. Deux autres financements ont été obtenus : celui de la région (1.160.000 euros), et celui de l’Agence de l’eau Adour Garonne (980.000 euros), qui co-finance les interventions sur la nappe alluviale. La taxe Gemapi (9 euros par habitant) ? Elle est destinée aux frais de fonctionnement et non pas à des réparations exceptionnelles. « Nous avons dépensé 3 millions d’euros, et nous devrions finalement nous rapprocher de 5 millions d’euros », calcule Florent Craipeau. En attendant l’aide du fonds de solidarité, l’EPCI devra probablement recourir à l’emprunt.
Timing tenu
Les travaux sur les quatre brèches principales ont été terminés fin avril, dans les délais prévus. Pour les 45 autres désordres, les travaux se sont déroulés depuis le printemps, avec une courte pause estivale. Début octobre, une dizaine de sites étaient encore en chantier, mais tout devrait être terminé à temps.
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